L’œuvre
Opérette viennoise… N’y aurait-il pas là un
parfum de pléonasme ? Comme s’il pouvait y avoir une autre patrie de
l’opérette que la ville de la valse, de l’insouciance, de l’élégance des
crinolines et des uniformes à brandebourgs… En cette année 1874, quand Vienne
découvre La Chauve-Souris, Paris
s’est abîmé dans sa guerre perdue et sa Commune sanglante. Alors c’est dans la
capitale impériale que, désormais, on danse, on chante, on entraîne les masques
dans des tourbillons de plaisir.
Et quel plus beau tourbillon que celui de La Chauve-Souris ? Quel plus beau
fracas de fête que celui conduit par Johann Strauss-le-fils, lui qui faisait
valser princesses et lingères sur des mélodies impossibles à oublier une fois,
une seule fois, entendues ? La
Chauve-Souris, c’est cela : un long cortège de noceurs en goguette, de
masques derrière lesquels, comme jadis chez Mozart, s’égarent épouses et maris, d’aristocrates désabusés et de
soubrettes délurées. Valsez passions ! Valsez amours !
Et peu
importe l’intrigue, peu importe cet extravagant costume de carnaval, ce
déguisement de chauve-souris qui appelle de sombres vengeances : c’est
bien le dernier emprunt de Vienne à Paris puisque l’idée vient de Meilhac et
Halévy, les librettistes d’Offenbach. Mais c’est Vienne désormais qui boit le
champagne, Vienne qui danse… Et c’est Strauss qui mène le bal. Eblouissant.
Viennois…
Note d’intention
Par Benoît Bénichou, metteur en scène
La
Chauve-Souris, farce tragique… ou La Vengeance de la chauve-souris… La
vengeance de Falke ou la descente aux enfers d’Eisenstein. Comment une
farce devient un véritable cauchemar. Un face-à-face violent sur une musique à
première vue légère…
La
Chauve-Souris est avant tout une farce. La
farce est là, certes, mais elle n’est que le point de départ et le fil
conducteur d’une vengeance amère. Falke, avec l’aide de son ami le Prince
Orlofsky revient le temps d’une soirée, méticuleusement préparée depuis des
années, se venger d’une profonde humiliation vécue il y a plus de dix ans.
Eisenstein y perdra beaucoup.
La farce… L’illusion… Un domaine… Le domaine d’O…
d’Orlofsky… Un théâtre… Son théâtre…
La
Chauve-Souris et la question du théâtre.
Rosalinde, ex-chanteuse, Alfred, son amant,
chanteur, Eisenstein, son mari, pseudo-chanteur, Adèle, femme de chambre, se
fait passer pour une comédienne et rêve de faire du théâtre, Ida sa soeur,
danseuse à l’opéra… Les personnages se font passer pour d’autres, il est aussi
question d’auditions… Le théâtre est omniprésent dans cette œuvre. Il semble
évident de ne pas écarter cette composante importante dont la plus évidente est
la Farce elle-même. Une farce/vengeance organisée. Une pièce dans la pièce… Un
jeu violent dans une réalité…
Falke, metteur en scène de la soirée, engage des
comédiens, figurants afin de mettre en action sa
vengeance. Sous le regard blasé, désabusé de son ami Orlofsky, Prince décrépi,
Falke, Rosalinde et Eisenstein se déchirent sous nos yeux… sur scène… un
théâtre en décrépitude à l’image de son propriétaire le Prince Orlofsky. Les
ors du passé ressurgissent le temps d’une vengeance qui profitera également à
Orlofsky à qui Falke réserve une surprise de taille…
J’ai souhaité également travailler sur une nouvelle
traduction et une réécriture des textes parlés à partir de la pièce de théâtre
originale, Le Réveillon de Meilhac et
Halévy, présentée au théâtre du Palais-Royal en 1872.